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Chapitre
Dans un monde fantasy empreint de mystères et de périls. Lady Thalen, résolue à sauver son père accusé de trahison.

Prologue

Créé : 1 Mai 2024, à 00:00 Mots : 1564


Serment sur la lune

‘Pourtant, leur amour ne devait durer que le temps des mots gravés dans le sable mouillé, avant que les vagues ne les effaçassent, avant la réalité.’

La nuit venait de tomber, et la chambre était plongée dans une semi-obscurité. Une brise soufflait à travers les portes-fenêtres ouvertes qui menaient au balcon. La seule lumière provenait de la lueur de la lune, haute dans le ciel étoilé. Au loin, on entendait la mer, ses vagues puissantes s’écrasant contre les rochers en une envoûtante litanie. 

Sur le grand lit de bois, deux corps étaient enlacés. La jeune femme frissonna, se rapprochant du corps chaud de son amant. Ils ne dormaient point, il déposa un baiser sur son abondante chevelure blonde. Soudain, des bruits de grattement se firent entendre contre la porte, la jeune femme se redressa brusquement, le cœur battant, le signe, déjà. L’homme se releva aussi, embrassant son épaule nue.

« C’est l’heure, » dit-elle, la voix serrée.

« Je ne veux pas te quitter, » murmura-t-il en lui caressant la joue.

Elle se tourna vers lui, prenant son visage dans ses mains, ses yeux verts débordant d’amour. Se penchant, elle respira son odeur, retenant ses larmes. « Si mon peuple te trouve, il te tuera. Je ne pourrais pas le supporter. »

« Viens avec moi, » supplia-t-il.

Des larmes s’échappèrent de ses yeux fermés, qu’il embrassa doucement.

« C’est impossible. En t’aimant, j’ai déjà enfreint les lois humaines et divines. Je ne peux pas risquer d’irriter davantage les dieux. »

Il la fit basculer sous lui, pressant ses lèvres contre les siennes. « Je n’ai pas peur de tes dieux, je… »

Elle le fit taire en portant un doigt sur ses lèvres.

« Ne blasphème pas. Je prierai pour qu’ils bénissent ton voyage. »

Se dégageant de son étreinte, elle revêtit sa robe abandonnée au pied du lit, puis s’approcha de l’autel dédié à ses dieux. Alkïan et Samrah incarnaient le bien et le mal, l’absolu et le néant, la raison et la folie, la vie elle-même « un mélange tumultueux de félicité et d’affliction, semblable à ce qu’elle ressentait en ce moment. Elle alluma une bougie, joignit les mains et récita une prière.

Elle l'entendit quitter le lit, elle ouvrit plus grand les doubles portes, laissant entrer l’air frais de la nuit. Il s’approcha d’elle, la prenant dans ses bras. Elle posa sa tête sur son épaule, ignorant le chagrin qui lui serrait la poitrine et les larmes qui coulaient encore dans ses yeux. Son regard se posa sur la lune.

Dans son monde, une divinité mineure, mais sur les terres de son bien-aimé, comme il le lui avait appris, une déesse suprême, régnant seule dans leurs cœurs. La jalousie s’empara d’elle à l’idée qu’un autre gouvernât son cœur.

« Regarde-la, si lumineuse, vêtue de ses plus beaux atours. Elle se réjouit probablement de te voir me quitter, » confia-t-elle en désignant le corps céleste brillant. « Ta déesse hautaine te pardonnera ton infidélité si tu retournes auprès d’elle pleine d’amour et de repentir. Alors elle aura gagné, et j’aurai tout perdu. »

« Elle est ma mère et mon père, ma créatrice et ma gardienne. Elle souffre pour ses enfants. Ne vois-tu pas un reflet rouge sur son corps ce soir ? Elle saigne comme je saigne dans mon cœur. »

« M’aimes-tu ? » murmura-t-elle en se s’accrochant à ses bras.

Elle se retourna pour lui faire face, il la contempla avec une expression douloureuse, se demandant comment elle pouvait douter d’une telle chose. L’aimait-il ? C’était la seule certitude dans son existence. Il savait qu’il ne serait plus jamais le même. À ce moment-là, il maudit le destin de lui avoir fait un tel cadeau, pour le lui enlever immédiatement. Comment la vie pouvait-elle être si cruelle ? Avant de la rencontrer, il avait pensé que la mort approchait pour réclamer son âme. Elle l’avait sauvé, guérissant ses blessures et ramenant son cœur à la vie. Pour la première fois, il l’avait entendu battre, pour elle. Il sentait qu’il en serait ainsi pour toujours.

Il souffrait mille morts sachant qu’il devait la quitter. Aucune de ses blessures de bataille n’avait jamais été aussi douloureuse. Même le moment où il avait reçu une flèche en pleine poitrine lui semblait maintenant léger en comparaison de ce qu’il endurait maintenant. Et elle était là, devant lui, plus belle que jamais, le regard infiniment triste, attendant sa réponse avec une pointe d’appréhension.

« Demande-moi si je respire, » répondit-il. 

« Alors, promets-moi une chose. » 

« Tout ce que tu voudras. » 

« Jure-moi sur cette lune que tu vénères tellement que tu ne reviendras pas pour moi. Tu m’oublieras. Quand tu retourneras dans ton monde, tu trouveras une charmante jeune femme à épouser, » murmura-t-elle, des larmes coulant sur ses joues pâles. « Elle te donnera de beaux enfants, et tu vivras heureux. »

« Non, dit-il contre sa bouche, je ne peux pas. » 

« Les étoiles, mon amour, ne nous sont pas favorables. Jure-le-moi, je veux penser à toi et t’imaginer heureux. »

« Je ne peux pas. »

« Pour la paix de mon esprit, promets-moi, » supplia-t-elle en pressant ses lèvres contre les siennes, prenant son visage dans ses mains. « Fais-en le serment ou je mourrai. »

Il en était incapable. Il serra les dents, furieux contre le destin impitoyable qui unissait les êtres pour mieux les séparer. Comment pouvait-il faire une telle promesse ? Malgré les obstacles, il devait y avoir une solution. La raison lui murmurait qu’il n’y en avait pas, sans avoir pour conséquence le sacrifice de plusieurs vies. C’est pourquoi elle voulait lui arracher une telle promesse, son amour refusait d’être la cause de vies brisées par sa faute. Il admirait sa grandeur d’âme, mais il souffrait de la voir l’abandonner. Cependant, voyant ses yeux douloureux et implorants remplis de larmes, il accepta, il aurait accepté n’importe quoi pour lui épargner la moindre douleur. 

« Je te le jure sur la lune, » murmura-t-il d’une voix à peine audible, mais elle l’entendit.

Il l’embrassa alors sur les lèvres avec l’énergie du désespoir. Elle s’agrippa désespérément à lui.

Trois autres coups à la porte, le deuxième signe, ils ne pouvaient plus attendre. Elle laissa entrer sa femme de chambre, qui vint apporter sous des étoffes précieuses les vêtements de son amant. Elle la congédia d’un hochement de tête avant de refermer la porte.

Elle le regarda s’habiller en silence, essayant de mémoriser ses mouvements souples et rapides alors qu’il enfilait la cuirasse, priant les dieux que ce ne fût qu’une précaution futile. Voyant qu’il avait du mal à resserrer les bretelles à l’arrière, elle l’aida. D’une main experte, elle resserra les liens comme elle l’avait fait des centaines de fois pour un autre. 

Pendant quelques secondes, elle s’autorisa à rêver qu’elle était liée à lui et non à l’autre, un bonheur indescriptible s’empara d’elle. Mais que disait sa mère déjà? Les rêves étaient pour les bergères, les reines ne pouvaient pas se laisser aller à de vaines fantaisies. Elles se devaient à leur royaume, à leur patrie. Certains étaient faits pour la grandeur et d’autres pour l’amour. Elle aurait renoncé à l’or, aux palais, pour n’être qu’une paysanne et garder cet homme.

Pourtant, leur amour ne devait durer que le temps des mots gravés dans le sable mouillé, avant que les vagues ne les effaçassent, avant la réalité. 

Elle revint à elle-même quand il prit sa main délicate dans la sienne et la baisa. Puis elle se perdit dans leur baiser fiévreux, qui avait le goût du sel, ses larmes ? Les siennes ? Elle l’ignorait. 

Elle refusait d’entendre les pierres lancées contre les fenêtres. Ils l’informaient de la relève de la garde dans quelques minutes, son unique chance. 

Elle se détacha de lui pour ouvrir une trappe cachée sous un tapis, près du lit, qui menait à l’escalier. Au bout de celui-ci se tenait une servante de confiance qui le conduirait au quai, d’où il pourrait discrètement quitter l’île en bateau.

Elle tomba dans les bras de l’homme qu’elle aimait, pour un dernier baiser. Mais un sifflement venu d’en bas lui rappelait que le temps pressait. Elle s’éloigna de lui, et il se dirigea vers la trappe, mais avant de descendre, il revint vers elle pour un dernier baiser.

« Je ne t’oublierai jamais jusqu’à mon dernier souffle, ma reine » déclara-t-il contre ses lèvres.

Elle attrapa son bras, voulut parler, mais se retint, pour quoi lui causer plus de chagrin ? Elle se contenta de lui mettre son collier dans les mains, un talisman pour la longue route qui l’attendait.

« Que les dieux guident tes pas, mon amour, va. »

Puis la trappe se referma sur lui, sur son bonheur, sur sa vie.

Ses jambes ne pouvaient plus la soutenir, et elle s’effondra sur le sol, une main sur la bouche pour étouffer ses sanglots. Elle ressentit une douleur à l’abdomen. Elle posa sa main sur son ventre comme pour protéger la vie qui grandissait en elle.

« Non, pas cela, je vous en prie, c’est tout ce qu’il me reste de lui. Laissez-moi le garder, s’il vous plaît » implora-t-elle ses dieux, la lune elle-même dont elle n’avait qu’une vision floue à travers ses larmes.

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