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Découvrez un récit fantastique. Lady Thalen Ambrose, résolue dans sa mission de sauver son père, accusé de trahison.

Chapitre 1 : L’honneur Des Ambrose

Créé : 24 Oct 2024, à 18:00 Mots : 3598

 

Les Basses-Terres, la villa des Ambroses, dans la vallée d’Aggatta,

 

Thalen était assise en silence pendant que sa servante, Shea, arrangeait ses longues boucles brunes pour qu’elles ne tombent pas sur son visage comme elles avaient l’habitude de le faire. Elle était impatiente de voir son père, mais il était occupé avec un invité important. Au moins, cela lui avait permis de se débarrasser de la poussière des routes, de prendre un bain, de se changer et de manger une collation rapide. Elle était heureuse d’être enfin rentrée chez elle. Elle et son père devaient parler. Elle ne supportait plus d’être tenue dans l’ignorance. Quelque chose s’était passé, et elle voulait savoir quoi, pour pouvoir l’affronter ensemble. L’ignorance la torturait lentement.


 

Ses yeux se posèrent sur le petit portrait de sa mère accroché à l’un des murs. C’était une femme magnifique, et Thalen aurait aimé lui ressembler davantage. Quand sa mère était encore de ce monde, elle lui disait toujours qu’elle était parfaite. Thalen ne l’avait jamais cru. Sa mère était une vraie beauté — elle ne l’était pas. Elle aurait voulu avoir des cheveux lisses au lieu de cette masse de boucles, des yeux verts comme ceux de sa mère, au lieu de ses propres yeux bruns. Dame Ambrose avait une peau lumineuse et parfaite, malgré le temps passé au soleil, tandis que la sienne était hâlée. Selon sa mère, Thalen ressemblait davantage à sa grand-mère paternelle. Raelynn avait été une âme libre — une bohémienne, comme son père l’appelait affectueusement. Elle aimait marcher pieds nus, grimper aux arbres, et dormir à la belle étoile. Thalen lui ressemblait en ce sens.


 

Elle lui manquait tellement. Elle aurait tant voulu qu’elle soit encore avec eux. Si cela avait été le cas, son père n’aurait pas besoin d’être aussi protecteur envers elle. Il aurait eu quelqu’un pour partager son fardeau. Quelque chose semblait le tourmenter profondément. Il n’en avait rien dit, mais elle l’avait ressenti dans ses lettres. Elle devait savoir.


 

Lorsque Shea eut fini, elle posa une main sur l’épaule de Thalen, qui la prit dans la sienne. Elles échangèrent un regard dans le miroir — l’un plein de réconfort, l’autre de gratitude. Elles se connaissaient si bien, depuis si longtemps, que les mots n’étaient plus nécessaires. Shea comprenait que Thalen avait besoin de rester seule un moment.


 

« Je reviendrai plus tard. »


 

Shea quitta la pièce, laissant Thalen seule dans sa chambre. Elle se leva, embrassa ses doigts, puis les pressa contre le portrait de sa mère.


 

« Protège-nous, Mère », murmura-t-elle. « Protège-nous. »


***

 

Il était tard dans la matinée quand Thalen entra dans le bureau de son père, avec une boule au ventre qui refusait de se dissiper. La pièce était composée de cuir, de bois et de marbre — un espace où elle avait passé d’innombrables heures tandis que son père travaillait. Elle s’endormait souvent devant la grande cheminée, entourée de livres ou de dessins. Son père la portait alors jusqu’à son lit, tandis qu’elle marmonnait qu’elle n’était pas fatiguée et qu’elle avait encore plein d’énergie. Combien de fois s’était-elle cachée derrière son bureau pour échapper à un précepteur ou lorsque, avec Shea, elles avaient des ennuis ?


 

L’homme plus âgé était assis derrière son immense bureau d’ébène, le visage entre ses mains. Thalen ne l’avait jamais vu ainsi auparavant si… abattu.


 

Sentant qu’on l’observait, Caden Ambrose releva la tête. Quand elle vit son expression, Thalen sut instinctivement que la situation était pire qu’elle ne l’avait imaginé. Des cernes profonds marquaient ses yeux. Avait-il dormi ces derniers jours ou mêmes semaines ? Il affichait une expression douloureuse, qui disparut instantanément en voyant sa fille, son visage s’illuminant aussitôt.


 

« Père », appela Thalen.


 

« Ma fille », murmura-t-il en se levant, pour accueillir son unique enfant dans une étreinte presque désespérée, que Thalen lui rendit. Elle était si heureuse de le revoir, après avoir été loin pendant si longtemps.


 

Trois mois plus tôt, il l’avait envoyée, avec une bonne escorte, chez des amis de longue date — un marchand nommé Apollo et sa femme Bérine, dans le royaume de Presus. Son père pensait qu’elle devait en apprendre davantage sur les affaires auprès de l’homme qui, apparemment, lui avait tout enseigné. Thalen avait été surprise d’apprendre que son père connaissait quelqu’un à Presus. Pourquoi ne l’avait-il jamais mentionné auparavant ? À sa connaissance, son père n’y était jamais allé.


 

Thalen avait obéi à la volonté de son père sans discuter, comme toujours, bien qu’elle eût des milliers de questions. Il était tout à fait évident pour elle que ce voyage était un prétexte pour l’éloigner. Cependant, elle comprenait qu’il devait avoir une bonne raison — une raison que son père n’était pas encore disposé à partager avec sa fille unique.


 

« Je suis désolé, Thalen, de ne pas avoir été disponible pour t’accueillir à ton retour, mais je ne pouvais pas faire autrement. N’es-tu pas lasse après un si long voyage ? »


 

« Je ne suis pas fatiguée. Je suis juste contente que tu m’aies enfin rappelée. Tu m’as manqué », dit Thalen, en posant la tête sur l’épaule de son père.


 

Depuis que sa mère était morte d’une maladie pulmonaire lorsqu’elle avait huit ans, il n’y avait eu qu’eux deux. Son père était son ami, son confident, et son héros. Elle l’admirait profondément. C’était un homme intègre qui traitait tout le monde avec respect. Elle savait à quel point il tenait à elle par le temps qu’il lui consacrait.


 

Caden l’emmenait partout avec lui, même dans des lieux jugés inappropriés pour les filles, comme les courses de chevaux. Quelle que fût l’affaire qu’il réglait, il arrêtait tout quand sa fille avait besoin de son attention. Au début, Thalen avait pensé que tous les parents agissaient ainsi, jusqu’à ce qu’elle vît combien certains de ses amis étaient mal traités par les leurs. Ce n’était pas le fait d’appartenir à la noblesse ou leur richesse qui la faisait se sentir chanceuse et privilégiée, mais bien l’égard et l’amour que son père lui témoignait.


 

« Tu m’as manqué aussi », répondit Caden. Puis il recula pour mieux observer Thalen. « Tu as encore grandi », commenta-t-il en souriant.


 

Il disait toujours cela, même s’ils ne s’étaient séparés qu’un jour.


 

« Non, je n’ai pas grandi. »


 

« Comment s’est passé ton voyage ? Des problèmes ? » demanda Caden en fronçant les sourcils.


 

« Mon voyage s’est bien passé, Père. Apollo et Bérine te transmettent leurs salutations », répondit Thalen. Son père avait toujours été strict en ce qui concernait sa sécurité, mais cette fois-ci, elle sentait qu’il y avait plus que cela. « Père, je suis partie quand tu me l’as demandé, même si je savais au fond de moi que ce n’était pas seulement pour apprendre le commerce auprès de quelqu’un d’autre. Je sens que quelque chose te préoccupe. S’il te plaît, dis-le-moi. J’ai besoin de savoir. »


 

Son père se dirigea vers une carafe de vin pour se servir une coupe. Il en proposa à sa fille, mais Thalen refusa. Son père ne buvait pas beaucoup — juste un verre avec son repas, jamais en pleine journée. Caden vida deux coupes, puis reporta son attention sur son enfant.


 

« Assieds-toi, Thalen. Nous avons beaucoup à discuter. »


 

Thalen eut un mauvais pressentiment qu’elle choisit d’ignorer, attendant que son père prenne la parole.


 

Il alla fermer les portes tandis qu’elle s’asseyait. Caden se plaça ensuite près des fenêtres, observant les jardiniers s’occuper des luxuriants jardins de leur villa. Sa défunte femme avait aimé ces jardins. Raelynn passait plus de temps dehors qu’à l’intérieur de leur demeure. Combien de fois l’avait-il vue marcher pieds nus près des fontaines ou s’asseoir dans l’herbe, berçant leur enfant ? C’était dans ces mêmes jardins que Thalen avait fait ses premiers pas. C’étaient des jours heureux. Il soupira et s’assit en face de sa fille.


 

« Thalen, comme tu le sais, le roi John est mort il y a quelques mois, un accident de chasse malheureux », commença-t-il. « J’ai depuis reçu plus de détails. Il est tombé de son cheval et s’est violemment cogné la tête. Les médecins de la cour n’ont rien pu faire pour le soigner. Il est mort après plusieurs jours d’agonie. »


 

Comme la plupart des habitants des Basses-Terres, Thalen n’avait pas été particulièrement attristée par la mort du roi. Les Basses-Terres étaient essentielles au royaume, fournissant la majorité du blé, le grenier du royaume. Cependant, le roi se souciait peu de son peuple, les étouffant avec des impôts oppressants, ce qui avait provoqué un mécontentement général et de nombreuses révoltes.


 

Le roi John avait laissé l’administration des Basses-Terres à son frère cadet, le prince Niall, qui traitait la région comme sa propriété personnelle. Il avait imposé des taxes supplémentaires en plus de celles du souverain, et le roi John ne s’en était pas soucié, ignorant les nombreuses plaintes et rapports qu’il recevait à ce sujet, certains provenant du père de Thalen. Caden exprimait souvent sa colère contre un roi assez fou pour mépriser le peuple qui gardait les frontières sud de son royaume.


 

La haine envers la famille royale avait commencé vingt ans plus tôt, lorsque le roi John et le prince Niall avaient massacré la population d’Alagar après une énième révolte contre l’augmentation des impôts. Le roi avait été impitoyable, ordonnant la mort d’hommes, de femmes et d’enfants. Le village avait été rasé, et les rares survivants emprisonnés. Cet acte barbare avait brisé la confiance et le respect que les habitants des Basses-Terres avaient autrefois pour leur roi. Une fracture existait désormais entre les Basses-Terres et le centre du pouvoir, les Hautes-Terres. Bien que le roi fût mort, le peuple se méfiait encore de son successeur. Après tout, ‘tel père, tel fils’.


 

« Le successeur, comme tu le sais, est le fils aîné du roi. Mais ni lui ni son frère ne se trouvaient dans le royaume lorsque leur père est mort, ils étaient partis combattre les Parsen, je crois. Le prince Niall y a vu une opportunité de s’emparer du trône pendant que ses neveux étaient absents. Lorsqu’il a reçu la nouvelle de la mort de son frère, il a convoqué les seigneurs des Basses-Terres, exigeant qu’ils lui prêtent allégeance. »


 

« C’est de la haute trahison », s’indigna Thalen.


 

« Ce n’est pas tout. Il voulait aussi que nous lui fournissions de l’or pour lever une armée de mercenaires. Il savait qu’il ne pourrait pas réunir une armée assez importante à temps », expliqua Caden.


 

Thalen secoua la tête. « Par les dieux. »


 

« Il prétendait avoir le soutien de certains à la cour, des conseillers, des nobles et des marchands fortunés. Il était persuadé qu’il deviendrait roi. Il ne lui restait plus qu’à agir rapidement et à atteindre la capitale avant ses neveux. Une fois sur place, il prévoyait de se faire déclarer par les grands prêtres le roi légitime de Megarit et de s’assurer de la loyauté de l’armée. »


 

Caden se leva et remplit sa coupe de vin, la buvant rapidement.


 

« Il est tellement imbu de lui-même et méprisant. Je pense aussi que cet homme n’a pas toute sa tête. Il n’aurait jamais pu obtenir la loyauté de l’armée, leur allégeance va au futur roi et à son frère. Et tu sais quoi ? La reine Liliane se serait battue jusqu’à son dernier souffle pour protéger la couronne et l’héritage de son fils. Si Niall avait atteint Attalorn, il aurait dû faire face à un siège de plusieurs années. Personne n’a jamais pris cette cité. Ses murs sont impénétrables, à moins d’avoir l’aide des soldats à l’intérieur, qu’il ne pouvait obtenir. »


 

« Qu’as-tu fait ? »


 

« Je savais que je ne pouvais pas le soutenir. Ses actions auraient pu mener à une nouvelle guerre civile, et nous avons payé cher la dernière. Il n’y a pas de vainqueurs dans une guerre comme celle-ci, et ce sont toujours les innocents qui paient le prix le plus élevé. Mais je ne pouvais pas non plus le refuser ouvertement et risquer ma vie et surtout la tienne. J’ai fait semblant d’acquiescer et je lui ai promis de l’or. Pour le rassurer, je lui ai donné mon sceau et un bracelet en or, celui que ta mère m’avait offert, comme preuve de ma loyauté. »


 

Son père passa une main sur son poignet nu. Thalen n’avait même pas remarqué qu’il ne portait plus son bracelet. Elle réalisa qu’il regrettait la perte du dernier cadeau que sa femme lui avait offert. Sa mère avait gravé des symboles protecteurs sur ce bracelet. D’aussi loin qu’elle se souvienne, le bracelet n’avait jamais quitté le poignet de son père.


 

« Après cela, ma seule priorité était ta sécurité. Je savais qu’une fois que Niall se rendrait compte que je ne lui donnerais pas l’or, il te menacerait. C’est pourquoi je t’ai envoyée dans un endroit sûr. Ensuite, j’ai envoyé un message par pigeon à un ami dans l’armée, l’avertissant du plan de Niall. Puis, j’ai renvoyé les serviteurs, fermé la maison et je suis parti, voyageant de lieu en lieu, essayant de semer les hommes de Niall qui me suivaient. Je suis revenu il y a quelques jours, une fois que j’étais certain que tu étais en sécurité. »


 

« Qu’est-il arrivé au prince Niall ? » demanda Thalen.


 

« Il a été trahi. La reine avait un espion parmi ses hommes de confiance. Ils ont envoyé un message au prince, qui est revenu juste à temps pour capturer Niall et ses partisans dans les Terres du milieu. Mais Niall et certains de ses hommes ont réussi à s’échapper. La bonne nouvelle, c’est qu’il est désormais seul, sans soutien. Je suis sûr qu’il est probablement parti chercher une alliance dans le royaume de Goria », expliqua Caden.


 

Thalen fut soulagée de savoir que le plan de Niall avait échoué. Mais si le prince n’était plus une menace, pourquoi son père avait-il toujours l’air si inquiet ? Peut-être que l’homme avait envoyé des assassins à ses trousses. Il avait dit qu’il était revenu quand il avait su que Thalen était en sécurité. Il avait parlé de sa sécurité à elle, mais pas de la sienne. Soudain, Thalen sentit son sang se glacer dans ses veines.


 

« Père, je ne comprends pas. Ta vie est-elle en danger ? »


 

Caden s’assit de nouveau et prit les mains de sa fille dans les siennes. Thalen remarqua à quel point elles étaient froides.


 

« Na Dilina », dit-il dans l’ancienne langue des Basses-Terres.


 

Ma fleur sauvage, il l’appelait ainsi depuis qu’elle était enfant. Comme sa mère, elle aimait grimper aux arbres et passer du temps dans la forêt. Combien de fois l’avait-il aidée à enlever de ses longs cheveux bouclés, de la paille, des herbes, des fleurs, de la mousse et même des insectes ?


 

Thalen baissa les yeux sur leurs mains jointes, et soudain, elle se sentit submergée. Son cœur battait plus vite, et elle commença à trembler.


 

Elle baissa la tête et secoua la tête. « Non… non… non. » Elle savait que rien de bon ne viendrait des prochaines paroles de son père.


 

« Regarde-moi, mon enfant. »


 

Elle ne pouvait pas.


 

« S’il te plaît, Na Dilina. »


 

Elle releva la tête et plongea son regard dans ses yeux tristes et remplis de larmes.


 

« Thalen, tu dois être forte », dit Caden lentement.


 

Thalen serra fermement ses mains. Elle secoua de nouveau la tête. Son cœur, lourd, comprit avant même que son esprit n’eût pleinement saisi ce que son père allait lui dire.


 

« Niall nous a tous obligés à apposer nos sceaux sur un document, affirmant que nous le reconnaissions comme le véritable souverain de Megarit. Le roi détient maintenant ce document, et il est arrivé dans les Basses-Terres il y a deux jours. Je suis profondément désolé, ma chérie. Je pensais que nous aurions plus de temps. »


 

Sa gorge était si serrée qu’elle peinait à parler. « I-Il est là pour punir les traîtres, n’est-ce pas ? » murmura-t-elle, les larmes aux yeux. Elle se leva, s’éloignant de son père.


 

« Il ne peut pas, Père. Tu n’as rien fait de mal. Quel choix avais-tu ? Le Prince Niall aurait pu te tuer. Tu as essayé de l’arrêter, ton ami peut en témoigner. Montre-leur le message que tu lui as envoyé », insista Thalen.


 

« Il ne peut pas. Je n’ai pas signé le message, j’avais peur qu’il soit intercepté par des partisans de Niall. C’est un ami, oui, mais son témoignage ne sera pas pris au sérieux. Le roi pensera qu’il essaie simplement de me protéger. »


 

« Ça n’a pas d’importance. Nous prouverons ton innocence d’une manière ou d’une autre. »


 

« Thalen, le roi ne voudra pas écouter. »


 

Le roi ne voulait pas écouter. Pourquoi le ferait-il ? Il allait enfin prendre sa revanche sur sa famille, l’une des sept familles nobles qui s’étaient opposées à la sienne, refusant de se plier à l’usurpateur.


 

« Non ! Tu n’es pas coupable ! » cria Thalen. « Père, il ne peut pas faire ça, il ne peut pas — » la voix de Thalen se brisa.


 

« Il le peut, Thalen, et il le fera. Il n’y a rien que nous puissions faire. Toutes les preuves sont contre moi, je suis coupable à ses yeux », ajouta Caden.


 

Il n’y avait qu’une seule solution possible, pensa-t-elle. « Nous quitterons le royaume ce soir. Nous pourrons partir ailleurs, Père, reconstruire notre vie dans un autre royaume », suggéra la jeune femme.


 

« Thalen, je ne veux pas ce genre de vie pour toi, devoir te cacher et vivre dans la peur d’être trouvés par les hommes du roi », expliqua Caden. Il se leva et fit face à sa fille, posant ses mains sur ses épaules.


 

« Le roi ne nous laissera jamais tranquilles. Certains seigneurs ont fui, mais il a retrouvé la plupart de ceux qui avaient signé ce document. J’ai rencontré ce roi une fois, il réparera l’affront à tout prix. Il ne peut pas apparaître faible. Il veut faire de nous un exemple, pour montrer à tout le royaume que la trahison ne sera pas tolérée sous son règne. Nous ne serons jamais en sécurité. »


 

Thalen essaya de retenir ses larmes, mais échoua, et elles coulèrent sur ses joues.


 

« Je t’en prie, Père », murmura-t-elle.


 

Il prit son visage entre ses mains. « Je ne fuirai pas, Thalen. Je ne peux pas, tu le sais bien. Nous, les Ambrose, sommes des hommes et des femmes d’honneur. J’ai écrit au roi, lui disant que je me livrerai à lui dans trois jours. J’ai demandé à mourir avec dignité. Selon nos traditions, il est obligé de respecter ma demande. »


 

Son père caressa ses cheveux.


 

« Il ne t’arrivera rien, je te le jure. Tu seras protégée, tu conserveras ton statut et ton héritage. Tu n’as pas à t’inquiéter. Tu seras en sécurité, et tu ne manqueras de rien. J’ai écrit à la famille, ils veilleront sur toi. Tu ne seras pas seule, je te le promets. »


 

Mourir avec dignité. Son père avait demandé au roi de ne pas le pendre comme un vulgaire criminel, mais de lui accorder la décapitation, la mort réservée aux nobles. Thalen voulait être forte pour lui, mais elle ne pouvait pas retenir ses larmes, sachant qu’elle perdrait son unique parent dans quelques jours. Elle serait orpheline dans quelques jours. Comment les dieux pouvaient-ils être aussi cruels ? C’était un cauchemar, et elle devait se réveiller.


 

Elle ne pouvait plus respirer. L’oppression dans sa gorge et sa poitrine l’en empêchait. Elle pressa un poing contre sa poitrine.


 

« Je n’arrive pas à respirer, je n’arrive pas à respirer », murmura-t-elle, sentant ses jambes se dérober sous elle.


 

Son père la tint dans ses bras alors qu’ils glissaient tous les deux au sol, ses membres devenant engourdis. Il la serrait fort, sa tête contre son large torse, ses larmes imbibant ses vêtements. Tout cela, sa chaleur, son parfum au santal, tout disparaîtrait bientôt.


 

« Je t’en prie, Thalen, je t’en prie… sois forte pour moi », chuchota son père dans ses cheveux. « Sois forte, je t’en supplie. » Elle sentit l’humidité sur ses cheveux, les larmes de son père. Mais qui pouvait trouver du courage quand son cœur se brisait ?


 

« Je suis tellement désolé, tellement désolé », répétait-il.


 

Elle ne savait pas combien de temps ils restèrent ainsi au sol, mais finalement, ses pleurs séchèrent tout comme son cœur. Elle entendait les domestiques à l’extérieur fermer la maison pour la nuit.


 

Son père releva son menton d’une main et essuya son visage mouillé de l’autre.


 

« Na Dilina, pour moi… je t’en prie, promets-le-moi. »


 

Son père était déterminé à affronter son destin. Elle connaissait ce regard. Il ne céderait pas. Thalen devait être forte, courageuse pour lui.


 

« Je serai forte, Père. Je te le promets », dit Thalen, forçant un sourire qui s’éteignit aussitôt.


 

« Je suis fier de toi, ma fille, toujours », dit Caden, les yeux pleins de larmes qu’il luttait pour contenir.


 

« Je suis fière de toi, Père », répondit doucement Thalen, mais à l’intérieur, après le choc, elle hurlait. Elle ne pouvait pas laisser cela arriver. Elle ne dirait pas adieu à son père. Il devait y avoir une solution. Il l’avait protégée toute sa vie. Il était temps pour elle de faire de même pour lui.


 

Son père ne mourrait pas. Elle se le promit.


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